Yeah19 a écrit :Ils ont des lieux ou ils sont tolérés.
Il n'ont pas à aller ailleurs.
«Roms et Jenisch sont très différents»
Par Valérie de Graffenried
Après la polémique provoquée par un mariage gitan en Valais, le directeur de la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage» prend position
La polémique déclenchée en Valais par un mariage gitan (LT du 30.07.2012) remet en lumière la problématique des aires réservées aux gens du voyage. L’avocat Urs Glaus, directeur de la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses», entre dans la danse.
Le Temps: Les tensions ont été vives à Collombey-Muraz. Les Gitans ont occupé un champ qu’ils ont laissé plein d’excréments et de détritus. Comprenez-vous les réactions hostiles et l’agitation de politiciens? Le PDC prône par exemple une «loi pour les gens du voyage» qui autorise la police à intervenir avec fermeté en cas de comportements fautifs, jusqu’à la confiscation de caravanes.
Urs Glaus: Durcir les lois ou en créer de nouvelles ne sert à rien. Il faut chercher des solutions et avant tout décrisper la situation en créant des aires spécialement aménagées pour eux. La fondation le revendique depuis 1998, mais peu de choses bougent. La volonté politique manque. Les réactions hostiles découlent aussi d’une méconnaissance de la culture et de la mentalité des Gitans. Les gens du voyage suisses sont à 90% des Jenisch. Ils ont un mode de vie très différent des gens du voyage étrangers, surtout des Roms, comme c’était le cas en Valais. Les Roms considèrent par exemple les toilettes comme quelque chose d’impur et vont parfois jusqu’à détruire les installations sanitaires. Ils préfèrent faire leurs besoins dans la nature. Cela fait partie de leur culture. Mais, je l’admets, je n’arrive pas à expliquer pourquoi ils ne laissent pas le champ dans l’état dans lequel ils l’ont trouvé.
– Est-il acceptable, dans ce cas précis, que les Gitans aient occupé illégalement un champ parce qu’ils jugeaient l’aire de Martigny qui leur était réservée «trop venteuse»?
– Je ne peux pas me prononcer sur ce point. Je ne connais pas leurs motivations exactes.
– Combien d’aires de séjour et de transit réservées aux Gitans existe-t-il en Suisse?
– Pour les gens du voyage suisses, il existe 14 aires de séjour (242 places), ce qui suffit tout juste pour un tiers d’entre eux. Il en faudrait 26 supplémentaires. Les aires de transit ont elles chuté ces dix dernières années de 51 à 42. Des cantons, comme Lucerne, en ont fermé. Selon les estimations de la fondation, qui se base sur une expertise, il en faudrait 39 de plus.
– Quels sont les principaux obstacles à la création de places: les idées reçues sur les Gitans ou des problèmes d’aménagement du territoire?
– Les préjugés! Les questions de terrain sont souvent d’ordre technique et donc résolubles. Même des cantons comme Genève, où dénicher des terrains s’avère difficile, arrivent à trouver des solutions. Mais selon nos critères (taille, accessibilité, prix de location, aménagement du territoire), la plupart des aires en Suisse restent de qualité insuffisante.
– Quel est le canton qui a la meilleure politique en matière d’aire réservée aux Gitans?
– Le canton d’Argovie est un bon exemple. Comme d’autres cantons, il a développé un concept accepté à tous les niveaux politiques et le met en place petit à petit. Cinq places de transit ont été créées et deux sont encore en projet. Dans l’idéal, il faudrait un service cantonal pour les gens du voyage dans chaque canton.
– Les Grisons ont une aire de transit réservée exclusivement aux gens du voyage étrangers. A quoi cela rime-t-il? Les aires de Suisse romande et du Tessin sont presque uniquement utilisées par des étrangers depuis des années…
– Les modes de vie sont différents et les Grisons ont créé ces aires après avoir dû faire face à des problèmes. Il y a aussi des aires spécifiques pour Gitans étrangers à Martigny et au Tessin. Pour la Commission fédérale contre le racisme, faire la différence entre gens du voyage suisses et étrangers est discriminatoire. Mais je le répète: Roms et Jenisch sont très différents. C’est un fait. A mon avis, il est indispensable de créer, petit à petit, quelques places pour les gens du voyage étrangers. En Suisse centrale, en Suisse orientale et en Suisse romande.
– Il a été question de recourir à d’anciennes installations militaires pour placer les Gitans. Mais désormais ce sont les requérants d’asile en surnombre qui y sont installés. Une concurrence?
– Effectivement. Les places sont toujours plus difficiles à obtenir.
– Le Conseil de l’Europe vient d’épingler la Belgique pour ne pas mettre suffisamment de terrains d’accueil à la disposition des gens du voyage. «Cela les expose à des expulsions dans des conditions indignes», dénonce-t-il. Que vous inspire cette décision?
– Je ne peux pas juger car je ne connais pas bien la situation qui prévaut en Belgique.
– Songez-vous à intervenir juridiquement pour obtenir une condamnation de la Suisse et davantage de places par la force?
– Non. Même en tant qu’avocat, je trouve que cela ne servirait à rien. Nous cherchons des solutions sur le plan politique, à travers le dialogue.
[Le Temps, 03.08.2012]
Deux types de places
Aire de séjour: sert de lieu de séjour stationnaire, surtout pendant les mois d’hiver. Les gens du voyage y louent une place à l’année et vivent dans des constructions simples, comme des chalets en bois, des mobile homes ou des caravanes. Dans les communes où se trouvent ces aires, les gens du voyage y sont inscrits à l’année et leurs enfants vont à l’école.
Aire de transit: sert à un séjour de courte durée, jusqu’à un mois, pendant les déplacements d’été. Selon la fondation, elle doit être équipée de l’infrastructure nécessaire aux besoins quotidiens.