smile66 a écrit :Tourbillonator a écrit :SF a reçu des offres de SuperLeague
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Bloody Monday: Ces yeux rouges tout qu’on a vus mercredi soir, ont-ils réussi à trouver le sommeil?Sébastien Fournier: C’est des larmes aux yeux qui sont contrôlées, parce que quand on est entraîneur, on se contrôle. J’ai fait ce petit speech à la fin du match et après, on a les larmes aux yeux parce qu’on est émotif. On vit les choses intensément même si chez certains, ça reste plus à l’intérieur. C’est sûr que la nuit a été courte. Une ou deux heures de sommeil, on se lève pour aller à l’entraînement et puis on repart. Parce qu’il faut affronter les choses avec courage. Il faut passer dessus, éliminer, même si on sait qu’on aura peut-être un contrecoup plus tard. Là, c’est trop frais. Je pense que j’aurai un contrecoup à la fin de la saison et, en même temps, on ne peut pas se permettre de l’avoir parce qu’il faut préparer la prochaine. Mais oui, la nuit a été courte. On réfléchit à ce qu’on aurait pu faire mieux, on retourne le film dans sa tête. Pas seulement sur le match d’hier, mais sur l’ensemble de la saison.
Et? Des regrets?
Il n’y a pas vraiment de regrets. Des fois, on se trompe comme tout le monde. On est toujours plus intelligent après. Je repense à l’état des lieux quand je suis arrivé – le président m’avait dit comment étaient les choses au niveau structurel et financier. Au niveau sportif, l’équipe était complètement à la rue sur le plan physique. Quand j’arrive, on se fait dominer par Cham en étant incapable de mettre sous pression une équipe de 1re ligue. Lors de la préparation hivernale, où on a beaucoup bossé, on a aussi du mal contre des équipes comme Carouge. Alors c’est clair, on se dit qu’il y a un problème de qualité intrinsèque, même s’il y en a, de la qualité. Mais pas suffisamment. L’équipe est allée à la limite de ce qu’elle pouvait faire, tout simplement. Les joueurs ont du mérite, ils se sont accrochés jusqu’au bout. Mais il manquait la substance.
Quelle a été la nature de votre speech dans le vestiaire de la Pontaise après le match?
On a repris la préparation début janvier pour avoir droit à notre finale de championnat sur les deux derniers matches. On l’a eue, mais on l’a ratée. Dans ce groupe, à part Pizzinat, qui a joué en Coupe d’Europe et gagné des titres, il n’y a que très peu d’expérience. On a senti ce stress à Lausanne, c’était perceptible. Les joueurs avaient la boule au ventre. La nervosité, c’est bien, mais il faut savoir en énergie positive. Là, c’était plutôt de la crispation. On a essayé de dédramatiser avec Jean-Mich’ [Aeby, son adjoint] et, jusqu’au premier but de Roux, on s’est dit que ça avait marché…
Le ballon de Tréand qui rebondit sur la latte après 40 secondes de jeu, vous l’entendez encore?
Non, c’était un fait de jeu. Cette équipe, il faut qu’elle arrive à 0-0 ou 1-0 à la mi-temps. Mais dès qu’elle prend un but en premier, elle s’effondre ou n’a pas la capacité de réaction. Il y a peu de matches où on est revenu au score – à Sion, contre Zurich, à Lucerne…
Juniors D compris, aviez-vous déjà connu les «joies» de la relégation?
Non, jamais. Mais il faut toujours étoffer le palmarès. C’est comme ça, c’est arrivé, même si on a voulu refuser d’y croire pendant toute la saison.
Ce matin à l’entraînement, combien de petites cuillères vous a-t-il fallu pour ramasser les joueurs?
On a tenu le même type de discours. Je les ai remerciés pour la manière dont il se sont engagés, on a fait en sorte de leur redonner un semblant de sourire. Après, il y avait de l’abattement – il n’y a pas besoin de faire un dessin… Pour beaucoup de ces joueurs, Servette représente quelque chose. Ils sont montés avec ce club, certains ont été formés à Genève. Alors c’est clair qu’ils sont plus affectés que si c’était un ensemble de joueurs venus de l’extérieur. Voilà, on a orienté le discours en rappelant aussi qu’il restait un dernier match [samedi soir à la Praille contre Lucerne]. On va essayer de bien terminer cette saison.
Combien donneriez-vous pour ne pas avoir à jouer ce dernier match?
Rien du tout. C’est un championnat et on doit le jouer jusqu’au bout. On est professionnel, c’est tout.
Leader avec Sion en août, relégué avec Servette en mai, bienvenue dans le métier. Que vous inspire cette première saison pro sur le banc?
Ça m’inspire qu’on vit des émotions extraordinaires, dans le positif comme dans le négatif. Et puis bon, si on additionne les points que j’ai faits à Sion et ceux avec Servette, ça va, je suis presque européen (sourire). Il faut prendre ça avec philosophie et recul. Comme entraîneur, on a un certain contrôle, et puis une certaine limite. Cette année, à Sion, j’ai pris mon pied. Je découvrais le métier mais en même temps, je savais déjà comment créer une atmosphère, un groupe – ça, ce n’est pas compliqué. Après, avec Servette, on a réussi quelque chose. Mais le miracle n’a pas eu lieu. Avec le recul, vu ma personnalité, c’est un métier qui prend une énergie monstrueuse. Je suis quelqu’un qui aime bien absorber les problèmes. Pour protéger l’équipe, le club aussi, qui doit se reconstruire. C’est ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. Or, quand on est attentif à tous les problèmes, ça prend une énergie monstrueuse. Remotiver les troupes, sortir la tête d’un gars de l’eau, remettre en question un autre, sans parler de tout ce qui est construction d’entraînement, planification, tout ça… Le fait de fonctionner ainsi, nerveusement, c’est prenant. Je suis un type comme ça. J’ai de l’empathie. Mais pour faire un travail de meilleure qualité, il faut aussi pouvoir être soulagé de certaines tâches. A Sion, par rapport à Servette, il y avait beaucoup de choses dont je n’avais pas à m’occuper. Murat Yakin, à Bâle, je pense qu’il n’a pas à organiser les déplacements. Il sort du bus et il va prendre sa chambre. Ce sont des paramètres que le président veut améliorer.
En un sens, cette relégation ne donne-t-elle pas l’occasion de reconstruire le club, d’opérer un vrai nouveau départ?
Pour autant qu’on puisse reconstruire un groupe compétitif. Toutes les équipes qui ont joué la montée, ce sont des groupes avec plus ou moins huit joueurs de Super League, une douzaine de bons joueurs de Challenge League, des jeunes… D’autant plus quand tu t’appelles Servette – ce n’est pas facile de porter ce nom en Challenge League. Wil, Bienne, Winterthour… Tous ces clubs qu’on va rencontrer, ils ont déjà une équipe en place. Bellinzone s’ils sont encore là, et Lugano aussi. Eux sont rodés et nous, on doit tout recomposer.
Quelles sont vos exigences auprès du président Quennec?
On entend parler de l’arrivée de Loïc Favre comme directeur sportif, je pense qu’elle sera officialisée. Je me suis engagé pour une année supplémentaire mais, comme tout entraîneur, je veux une équipe ambitieuse. Je répète: en Challenge League, pour viser la montée, il faut sept ou huit joueurs de l’étage au-dessus. Nous, on en a seize en fin de contrat, alors c’est un gros chantier. Il y a l’histoire de la licence d’abord, le budget ensuite…
Vu les circonstances, il y aura une grande lessive… Humainement, ça va être dur, non?
C’est clair, mais ça fait partie du foot. Comme j’ai dit aux joueurs: on a eu du plaisir à bosser ensemble et là, il y a eu cette cassure mercredi soir. On s’est accroché comme des fous et maintenant, chacun doit prendre ses dispositions. Il y a des joueurs que j’aimerais conserver. Il y en a d’autres à qui j’ai proposé de les conseiller, même s’ils ne restent pas chez nous. C’était plus que des liens simples avec certains, il y a des liens d’amitié. Ce qu’on a vécu, c’était dur, parce qu’on a dû ramer. Mais c’était fort, riche. Même hier soir dans la défaite, il y avait des émotions intenses, violentes. On grandit à travers ça. Avec certains, nos chemins vont se séparer, c’est le foot. Servette doit être réoxygéné. C’est un groupe qui a vécu des années ensemble, c’était super, monter, descendre, tout ça… Je ne dis pas que c’est une histoire de lassitude parce que, toutes proportions gardées, Lampard ou Terry sont à Chelsea depuis quinze ans. Mais à un moment donné, il faut donner une autre impulsion, un autre visage.
Quelle est la proportion de ceux qui vont rester?
Aujourd’hui, il y a vingt-sept joueurs, dont onze sont encore sous contrat. Avec les trois ou quatre qu’on aimerait conserver, ça fait un noyau d’une quinzaine de joueurs. Il faudrait bonifier ça avec cinq ou six joueurs, ça fait vingt, plus quelques jeunes. A valeur plus ou moins égale, ce serait intéressant d’amener des gens pour qui Servette constitue un défi.
L’une des grosses lacunes au club cette saison, pour ne pas dire la cause principale de l’échec, c’est au niveau de la direction sportive qu’on la trouve. A quel point vous impliquez-vous dans la construction de l’effectif futur?
J’attends un peu l’intronisation imminente de Loïc Favre – on s’est déjà parlé une ou deux fois au téléphone. Je vais lui faire une photographie précise de l’effectif actuel, je vais lui dire ce que je pense qu’il faut amener pour améliorer ce groupe. Etablir un plan d’action, des priorités. Il faut se mettre rapidement en mouvement.
C’est un clin d’oeil rigolo, le fait que vous soyez amené à travailler avec Loïc Favre, fils de Lucien, qui n’est de loin pas votre meilleur ami dans le milieu…
Ça montre que le microcosme du foot suisse est petit. Même si on avait eu des histoires à la fin avec son père, il n’y a jamais rien eu de grave. C’était des choses du foot et comme nous sommes deux forts caractères… Comme je dis toujours, je ne suis pas quelqu’un de rancunier, ce n’est pas comme ça qu’on avance. Lucien a fait un super parcours et sous sa direction, on avait quand même atteint les 8es de finale de Coupe de l’UEFA et gagné la Coupe de Suisse. Il faut aussi garder les points positifs. En Suisse, et ailleurs aussi, on aime bien relever ce qui est négatif, pas ce qui est bien. Moi, je me réjouis surtout de travailler avec quelqu’un qui sera là à 100%, à côté de moi, proche de l’équipe. C’est important d’avoir ça. Avec Jean-Michel, ici, ça fonctionne bien. Mais il faut quelqu’un pour faire le lien avec la direction, régulièrement, tous les jours. Il y a toujours des détails à améliorer. Les grandes victoires se construisent sur les petits détails. Chez nous, cette année, et c’est la seule amertume que j’ai, ces petits détails auraient pu être mieux soignés et peut-être nous aider à nous sauver.
Les grandes victoires naissent aussi sur les grandes défaites. Or, vous venez d’en connaître une belle… De bon augure?
Il faut d’abord espérer que nous aurons cette fameuse licence et éviter de commettre les mêmes erreurs. Ça veut dire faire une bonne préparation, avec un contingent formé le plus tôt possible, sans confondre vitesse et précipitation. Il faut au moins 18-20 joueurs pour travailler dès la reprise [fixée au 13 juin], faire les matches amicaux. Il faut à tout prix tirer les enseignements de tout ce qui s’est passé durant cette saison. Etre compétitif tout de suite – quand on voit le rythme de croisière d’un Aarau ou d’un Bellinzone cette saison…
Serez-vous moins empathique ou papa poule avec vos joueurs la saison prochaine?
Ça dépend toujours du groupe que tu as en face de toi. Il faut être conscient de ça. Avec Sion en début de saison, j’avais de l’expérience à disposition, des palmarès, la responsabilisation individuelle était quelque chose de naturel. Les gars sentaient quand il fallait fermer la maison ou quand, au contraire, il fallait aller planter le couteau. Au Servette, cette saison, il y avait un manque de maturité. Le mode de fonctionnement dépend toujours du groupe, des relais qu’on a ou pas sur le terrain. C’est pour ça que certains entraîneurs aiment bien arriver dans un club avec deux ou trois joueurs qu’ils connaissent déjà.
Alors? Qui voulez-vous amener?
J’ai des idées, on va en discuter en interne… Je veux trouver des bons joueurs pour entourer au mieux le noyau dur qu’on va garder. Je veux pouvoir m’appuyer là-dessus. Parce qu’au bout d’un moment, à force de vouloir protéger tout le monde, la personne qu’on ne protège pas, c’est soi-même. Je peux faire ça neuf mois, une année, ce n’est pas un problème. Mais au bout d’un moment, on est professionnel et ce qu’on veut, c’est des gars pour gagner des matches et faire le boulot. C’est tout. Pouvoir parler tactique, technique, amélioration du jeu, du collectif. Le reste, la logistique, tout, ça doit filer. On doit s’occuper du foot, ne pas avoir à se soucier du reste. C’est des garanties que je veux. Mon boulot, c’est de faire tourner une équipe. J’ai vécu une magnifique année d’apprentissage, fantastique sur le plan émotionnel. C’est ce que je cherche, c’est pour ça que j’aime ce métier. Aujourd’hui, lendemain d’hier, je devrais être effondré… Mais je ne suis pas effondré. Je me suis levé après une heure et demie de sommeil, j’ai sauté sur le boulot, c’est reparti.
Avez-vous été sollicité par d’autres clubs?
Oui.
De Super League?
Oui. Voilà. Je n’en dirai pas plus. J’ai un contrat d’une année avec Servette, mais je veux sentir que quelque chose se met en place. Je ne veux pas me retrouver seul avec deux ou trois joueurs motivés. On ne s’en sort pas comme ça.
source : Bloodymonday